Je dessine et peins depuis toujours. Une situation, une rencontre, un texte, peuvent être à l’origine d’une série ou d’une œuvre unique. J’ai toujours l’impression de peindre, même quand je ne peins pas.

J’accorde une place centrale à l’intuition dans le choix des thématiques de mon travail. Ce qui se traduit souvent par le besoin de me concentrer sur des choses en apparence anodines, de donner droit de cité à des éléments auxquels on n’accorde le plus souvent pas ou peu d’attention. Je produis beaucoup et je garde peu. Je suis en permanence habitée par une multitude de désirs et d’idées de peintures, de situations observées que je souhaite représenter.

Je décide donc souvent de ne pas décider en m’appuyant sur la matière, en me donnant des contraintes, comme celle de n’utiliser qu’un jeu de couleurs restreint, de me laisser surprendre par une superposition de tons, une forme qui émerge et me fournira un point de départ pour la suite du travail. Je m’appuie sur l’accident, la surprise, l’association. C’est un équilibre subtil entre désir de maîtrise et lâcher-prise.

Cette manière de faire s’accorde aussi à des thématiques centrales dans mon travail: l’absence, la mémoire manquante, la disparition, l’exil, le souvenir. On trouvera ainsi, plus ou moins cachés dans mes tableaux et dessins, des « fantômes»; des êtres ou des entités disparus, oubliés. Il m’arrive par exemple de travailler sur des éléments d’archives familiales que je mélange avec d’autres issus de journaux, de livres, de films. Autant de manières de provoquer des sortes de « guérisons », de «réparations», d’oublis volontaires ou involontaires, de repeupler un imaginaire collectif en attente de liens entre présents et passés. À la base de mon travail se trouve peut-être une envie de « tout peindre », de substituer au monde réel un monde peint. De réunir un univers dans une fresque, ou, comme au théâtre, dans un monde en petit, où tous les temps et les espaces que je tente d’habiter se trouveraient réunis.

J’ai en outre la chance de collaborer avec d’autres artistes, comme dans le cadre d’un « huis-clos » réalisé avec trois autres peintres lors d’une résidence de douze jours de travail continu. J’aime en effet me confronter à différentes manières d’aborder le langage pictural, pour enrichir mon travail par d’autres propositions.